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les encres

mardi 23 octobre 2012, par Isabelle

Le travail de restauration fait appel à une bonne connaissance de la reliure en elle-même, mais également de la composition des colles, papiers, encres, cuirs, du sens du papier, de l’acidité du papier et du traitement approprié face à chaque problème.

La tradition orale, premier mode de communication de la mémoire de l’être humain, rendait astreignante tant la conservation des informations que la transmission des connaissances.

Le besoin d’écriture s’est donc développé spontanément dans différents lieux et à différents moments et on découvre régulièrement de très anciennes gravures et écrits sur pierre, céramique ou autres supports.

Ses remplaçants, les premiers écrits conservés, autres que ceux à jamais fixés dans les cavernes, étaient formés de papyrus, bambous ou palmiers qu’on enroulait autour d’un bâtonnet sur lesquels étaient imprégnées les informations.

Abordons ici les soucis d’encre.

A l’aube de cette tradition écrite, l’humain a utilisé des pigments naturels,(provenant de la nature) et les premiers scribes ont donc trouvé dans leur environnement immédiat des matières utilisables pour transcrire des mots et lettres (par exemple, le charbon pour le noir).

Au fil des temps, les matériaux entrant dans la composition de l’encre ont évolué. Les anciennes encres se présentaient sous forme solide et étaient diluées au moment où on voulait écrire.

Pour ce qui est de l’encre noire, les Egyptiens par exemple mélangeaient de la suie ou du noir de fumée dilué dans de l’eau avec de la gomme ou de la colle tandis que les Chinois mélangeaient suie, pigments végétaux, eau et colle. Certaines encres gréco-romaines étaient basées sur du semi-végétal ou minéral, le Moyen-âge utilisant des encres à base de noix de galle et de sulfate de fer lié avec de la gomme arabique, ce qui autorisait l’écriture à la célèbre plume d’oie. L’ancien monde musulman oriental utilisait du sulfate de fer et des éléments broyés très fins. Pour ce qui est des domaines du bistre (noir aux accents bruns prononcés), des couleurs rouges, bleues, vertes etc…., les compositions anciennes et contemporaines sont on ne peut plus disparates.

Comme on le voit, il est important que le restaurateur sache à quel type d’encre il a affaire. Des tests méticuleux et approfondis permettent d’éviter des catastrophes lors du nettoyage des documents ou livres.

J’aimerais aborder à ce propos un des gros soucis du restaurateur de livres : l’encre ferro-gallique. Qu’est ce que cette encre ferro-gallique ? Utilisée en grande partie pour l’écriture du XVIème siècle jusqu’à la fin du XIXème siècle, cette encre était fabriquée à base de sels métalliques, de noix de galle – une excroissance ronde produite sur certains arbres par des insectes- et de gomme. Facile à préparer, elle pénètre dans le papier, ce qui la rend bien entendu indélébile mais chacun y allant de sa recette, elle est difficilement prévisible. Toutefois, cette encre se dégrade et attaque carrément le papier jusqu’à faire des trous. Apparaissent en outre des cristaux en surface, le papier se fragilise et la matière disparaît (Voir ci-dessous).

Il est difficile d’anticiper les dégradations, tout dépend en effet de la composition de l’encre, des conditions dans lesquelles ont été conservés livres ou documents ainsi que de leur état de conservation. Malheureusement, compte-tenu des éléments évoqués ci-avant, la réaction de ces encres est très dissemblable de l’une à l’autre et crée divers « effets secondaires », comme si les encres avaient fusé autour des inscriptions, migrations de l’encre visible au verso de la page. La réparation classique de « dégâts » implique souvent l’utilisation de colle à base d’eau ou d’alcool. Dans ce cas –ci, afin d’éviter un apport d’eau, on privilégiera une colle à base d’alcool. De nombreuses études et divers programmes de « sauvetage » sont en cours, mais il faut bien admettre que les questions subsistent et que les solutions divergent et semblent loin d’être satisfaisantes. Il existe toutefois des moyens d’enrayer la pollution qui résulte de la propagation d’acides émis lors de ces dégradations. Le restaurateur est donc amené à faire des choix, sans prise de risque inutile et doit, par la force des choses, s’appliquer à informer, informer et encore informer les propriétaires de livres et documents anciens sur la nécessité d’être attentif aux premiers signes de dégradations, de conserver les ouvrages dans de bonnes conditions et d’avoir le geste qui sauve, à savoir réagir rapidement lors du constat de dégradations naissantes.

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